Nous sommes parfois étonnés de nos réactions émotionnelles excessives, sans rapport avec la situation vécue, nous nous retrouvons comme hors du temps, dans une autre réalité.
C’est que nous sommes dans l’activation d’une mémoire. Notre corps se souvient de situations similaires souffrantes, et s’identifie à ce passé. Ainsi, par exemple, lors d’un conflit relationnel, en fait, notre inconscient se trouve devant papa ou maman, et rejoue l’impression d’impuissance de l’enfant. C’est l’enfant en nous qui n’a pas de solution, qui vit cette impuissance, qui subit. Le savoir, retrouver le souvenir en adéquation avec la situation permet la libération de la mémoire et de sortir de la réactivité.
Les enfants intérieurs
Le concept des « enfants intérieurs » apparaît fréquemment dans le monde du développement personnel et dans diverses approches thérapeutiques. Sans prétendre faire le tour du sujet, cet article a pour but d’en faire la présentation, d’examiner comment ils apparaissent et affectent nos vies, et comment il est possible d’en prendre soin.
Le concept d’enfant intérieur
C’est Carl Gustav Jung qui popularise en premier la notion d’enfant intérieur (enfant, au singulier), qu’il décrit comme la part enfantine présente en chaque adulte. Il le voit comme un archétype de l’inconscient collectif, incarnant les aspects de spontanéité, de joie, de créativité, d’innocence et d’émerveillement initialement présents en chacun mais dont, le plus souvent, l’adulte s’est progressivement coupé.
A partir des années 60, des psychothérapeutes et psychologues, tels Donald Winnicott ou Alice Miller, ont mis au point des outils destinés à reconnecter leurs patients avec cette part enfantine enfouie en eux, de façon à permettre l’épanouissement de nouvelles facettes de leur être. Cette approche trouve encore aujourd’hui un écho dans de nombreuses démarches de développement personnel.
Ils ont également relevé que l’enfant intérieur de l’adulte pouvait être encore porteur des blessures affectives issues de ses premières années et que, plus cet enfant intérieur avait été blessé, plus le moi adulte le refoulait au plus profond de lui. Des thérapeutes ont alors imaginé des thérapies invitant le moi adulte à reconnaître cette part enfantine blessée en lui et à en prendre soin, comme un parent le ferait avec son enfant.
Divers thérapeutes considèrent aujourd’hui qu’il est pertinent de parler d’enfants intérieurs, au pluriel. Ils estiment en effet que chaque blessure d’enfance est à l’origine d’une sous-personnalité active présente en l’adulte. A chaque blessure correspond donc un enfant intérieur distinct.
Ce sont ces sous-personnalités que nous allons examiner ci-après et auxquelles il sera fait référence en parlant d’enfants intérieurs.
Les blessures de l’enfance
Une blessure affective
Lors de sa période de croissance et de développement, l’enfant peut voir certaines facettes de sa personnalité brimées ou réprimées par son entourage proche. Par exemple, dans certaines familles, tout comportement turbulent est mal perçu et l’enfant « trop plein de vie » sera sèchement prié de se faire plus discret.
Même si l’adulte n’avait pas d’intention malveillante et que sa réaction était peut-être objectivement anodine, l’enfant peut, dans sa subjectivité, le vivre comme traumatisant, surtout en cas de répétition. L’évènement va alors générer en l’enfant une émotion douloureuse qui, si elle n’a pu s’exprimer pleinement et se libérer, va provoquer en lui une blessure
Les cinq blessures
Selon Lise Bourbeau, il existerait cinq blessures principales de l’enfant, susceptibles d’apparaître à des périodes précises de son développement :
De conception à 1 an : blessure de rejet (sécurité matérielle)
De 1 an à 3 ans : blessure d’abandon (sécurité affective)
De 1 ans à 3 ans : blessure d’humiliation (sécurité identitaire)
De 2 ans à 4 ans : blessure de trahison (enjeu de validation sociale)
De 4 ans à 6 ans : blessure d’injustice (enjeu d’inclusion dans le groupe, d’intégration des règles)
Il semblerait que chacun porte en lui en moyenne deux de ces blessures dominantes, présentes à des degrés divers.
Le refoulement
Lorsqu’une nouvelle blessure affective est ressentie, des parts de l’enfant, nommées « parts protectrices », vont entrer en action et développer plusieurs stratégies de survie destinées à le protéger.
La première stratégie sera généralement de refouler dans l’inconscient le souvenir traumatique, de façon à ce qu’il ne soit plus source de souffrance. Plus l’évènement aura laissé une marque douloureuse, plus il aura tendance à être occulté profondément.
La mémoire traumatique
Mais s’il en reste peu ou pas de trace dans la mémoire consciente, le souvenir émotionnel va cependant subsister ailleurs dans le corps de l’enfant, en s’imprimant dans une mémoire traumatique. Cette part enfouie constitue en l’enfant une sous-personnalité, un enfant intérieur.
Afin de protéger l’enfant, les parts protectrices vont « geler » cette mémoire traumatique hors du temps. Cela signifie qu’elle restera figée à l’époque du traumatisme, sans évoluer avec les autres parts de l’enfant, comme si elle était mise « en quarantaine » pour ne pas affecter les autres parts. Ce mécanisme de protection, salutaire à court terme, aura cependant des effets négatifs que nous verrons ci-après.
Les mécanismes d’adaptation
Une autre stratégie des parts protectrices sera de mettre en place diverses mécanismes d’adaptation, voire de survie, afin d’éviter qu’à l’avenir l’enfant revive une situation susceptible de raviver sa blessure affective. Par exemple, l’enfant turbulent apprendra à réfréner ses élans impulsifs pour ne plus mécontenter ses parents et se sentir aimé par eux.
Ces mécanismes adaptatifs, propres à chaque blessure, peuvent être qualifiés de « gardiens intérieurs ». Ils ont pour mission de canaliser le comportement de l’enfant afin d’éviter tout ce qui pourrait réactiver la blessure, quant bien même cela impliquerait de refouler une facette de sa personnalité et restreindrait sa liberté d’être.
L’enfant finira par tellement intégrer ces nouveaux comportements qu’ils en deviendront habituels, voire inconscients. Les gardiens intérieurs poursuivront leur rôle à l’adolescence et au-delà, ne laissant pas à l’individu devenu adulte d’autre choix que de continuer à reproduire ces mécanismes adaptatifs qui ont si bien fait leurs preuves durant l’enfance.
Répercussions sur le moi adulte
Ces mécanismes adaptatifs ont été efficaces et bénéfiques à court ou moyen terme car ils correspondaient à la meilleure stratégie de défense possible pour l’enfant, compte tenu des maigres ressources dont il disposait à son jeune âge. Cependant, le maintien à l’âge adulte de ces mécanismes se révèle problématique car ils deviennent de plus en plus inadaptés.
La part figée
Il faut en effet se rappeler que l’enfant intérieur a été figé au moment de l’événement traumatique par les parts protectrices. Tant l’enfant intérieur que ses gardiens ignorent donc que le temps a passé, que l’enfant est devenu adulte et qu’il a à sa disposition bien plus de ressources pour répondre aux nouvelles situations. En pratique, leur maturité affective est restée bloquée à celle de l’âge que l’enfant avait au moment du traumatisme.
De ce fait, les gardiens intérieurs continuent à estimer que l’individu, bien que devenu adulte (ce qu’ils ignorent), n’est toujours pas en mesure de faire face à un évènement susceptible de raviver sa blessure et qu’il reste donc indispensable de l’éviter. Pour ce faire, ces gardiens perpétuent donc les mêmes mécanismes de défense basiques dont disposait le jeune enfant. Il s’agit globalement de ceux développés par le cerveau reptilien pour réagir au stress : la lutte, la fuite ou l’inhibition.
Ces stratégies d’évitement finissent cependant par créer des schémas comportementaux dysfonctionnels et malsains.
Les schémas comportementaux propres à chaque blessure
A chaque blessure affective correspond des schémas comportementaux d’évitement spécifiques. En voici quelques illustrations possibles parmi d’autres :
La blessure de rejet
L’individu ayant été victime d’une blessure de rejet étant enfant a généralement une faible estime de lui-même car il s’est senti rejeté pour ce qu’il est. Il sera alors tenté de voir toute situation à travers ce filtre dévalorisant et s’imaginera rejeté même quand ce n’est pas le cas.
Afin de fuir tout risque de rejet, il n’osera pas prendre sa place, se fera de plus en plus effacé au point de devenir invisible aux yeux des autres, avec pour conséquence que plus personne ne finira par faire attention à lui, renforçant encore sa conviction d’être victime de rejet.
Comprenant mal que quelqu’un puisse s’intéresser à lui, il doutera de cet attachement jusqu’à saboter la relation et, finalement, susciter le rejet, ce qui le confortera dans sa conviction initiale.
La blessure d’abandon
La blessure d’abandon apparaît chez l’enfant qui se sent délaissé (du fait de l’arrivée d’un cadet, de parents peu disponibles…). Il ressent un grand vide intérieur qu’il tentera de combler dans la fusion et la recherche inlassable de signes d’affection.
L’abandon subi fait qu’il aura peu d’estime de lui-même et développera la croyance qu’il ne mérite pas d’être aimé, respecté et valorisé. Une fois adulte, le risque est grand qu’il devienne dépendant affectif. Sa peur d’être à nouveau abandonné est si forte qu’il sera prêt à nier ses besoins légitimes pour éviter la fin d’une relation.
La blessure d’humiliation
La blessure d’humiliation s’active chez l’enfant qui perçoit que ses parents ont honte de lui ou manquent de bienveillance à son égard en le dénigrant ou le rabaissant.
Cet enfant grandira avec un faible amour propre, aura honte de lui-même et se sentira facilement coupable. Il n’osera pas prendre sa place, estimant ne pas la mériter et craignant une nouvelle humiliation si elle devait lui être refusée.
Souvent, il se dénigrera et se punira lui-même, avant que d’autres ne le fassent. Par peur que ses besoins soient jugés indignes, sales ou illégitimes, il n’osera pas les exprimer ni exercer sa liberté, s’enfermant dans des limites étriquées qu’il s’impose à lui-même.
La blessure d’injustice
L’enfant qui ne se sent pas apprécié ou reconnu à sa juste valeur, ou qui croit ne pas recevoir ce qu’il mérite, va développer une blessure d’injustice.
Il sera souvent extrêmement perfectionniste et exigeant, dans le but de paraître parfait et d’être enfin aimé et reconnu.
Il sera généralement d’une extrême sensibilité, avec une peur de ressentir les émotions, générant chez lui une volonté de conserver le contrôle en toute circonstances. Pour se protéger, il se livrera peu en restant caché derrière un masque de froideur et d’insensibilité afin de garder les autres à distance.
La blessure de trahison
Un enfant dont la confiance a été bafouée va développer une blessure de trahison. Afin de retrouver de la sécurité, cette personne aura tendance à devenir contrôlante.
Paradoxalement, elle aura tendance à fuir les relations amoureuses stables et engagées, du fait de la confiance qu’elles demandent. Rester dans des relations superficielles ou provisoires lui fait moins peur car l’enjeu émotionnel sera moindre.
Répétition des vieux schémas
Nous avons en nous plusieurs enfants intérieurs figés dans leurs émotions douloureuses, qui attendent d’être reconnus. En les refoulant en profondeur, en faisant comme s’il n’y avait pas de blessure en nous, nous avons espéré en être quittes.
En réalité, c’est tout le contraire. Nous en restons prisonniers en développant presque en permanence des comportements inconscients et dysfonctionnels dans le seul but d’éviter de revivre à nouveau ces traumatismes du passé.
Le moteur de notre vie est alors la peur, la peur de souffrir à nouveau, et toute notre énergie passe dans l’élaboration de ces stratégies destinées à éviter que notre enfant intérieur et sa souffrance ne soient réactivés.
Il va de soi que ces comportements ne sont pas sans conséquence sur notre vie relationnelle et affective.
Réactivation de l’enfant intérieur
Malgré les stratégies d’évitement, il arrive pourtant que notre enfant intérieur soit réactivé par une situation, la parole ou le comportement de quelqu’un réveillant douloureusement un traumatisme passé.
L’adulte submergé
En temps normal, c’est le « moi adulte » qui réagit par l’intermédiaire de la partie préfrontale du cerveau. C’est la partie qui est rationnel, sait prendre de la distance et réagir de façon responsable. Mais lorsqu’un évènement déclencheur réactive la mémoire traumatique, le moi adulte est submergé et n’arrive plus à réguler et apaiser l’émotion.
Qui ne s’est jamais surpris à réagir de façon excessivement émotionnelle et démesurée face à un évènement pourtant anodin ?
On considère généralement être en présence d’un enfant intérieur activé lorsque trois critères sont réunis simultanément : la réaction émotionnelle est disproportionnée, elle est irrésistible (l’adulte est submergé) et il s’agit d’un schéma connu et récurrent pour celui qui le vit.
L’enfant aux commandes
A ce moment, ce n’est pas l’adulte qui souffre mais bien l’enfant intérieur qui hurle de façon impérieuse son besoin immédiat de sécurité affective. Comme tout enfant, il est totalement et intensément plongé dans son émotion, incapable de la contrôler ou de la relativiser.
Le plus souvent, complètement dépassé par ce qui lui arrive, l’adulte ne réalise pas que c’est un de ses enfants intérieurs qui a pris les commandes. Et même s’il devait avoir une compréhension mentale plus ou moins claire de ce qui se joue, il n’en sera pas moins désemparé et démuni, ne sachant comment juguler le tsunami émotionnel qui le submerge.
Afin de mettre fin à sa souffrance et de minimiser les conséquences de sa réaction incontrôlée, l’adulte aura tendance à refouler immédiatement ce qu’il ressent. Cela aura malheureusement aussi pour effet que son enfant intérieur, se sentant une fois de plus incompris dans son besoin d’être reconnu et rassuré, sera d’autant plus insécurisé et s’activera de façon d’autant plus virulente à la prochaine occasion.
La personne en face de lui, déclencheur involontaire de l’activation, sera généralement tout autant dans l’incompréhension, ne pouvant imaginer qu’à la personne adulte devant lui s’est soudainement substitué un petit enfant tempétueux, peu réceptif à ses propos rationnels et à ses appels au calme.
Accueillir ses enfants intérieurs
Comme nous l’avons vu, refouler un enfant intérieur et faire comme s’il n’existait pas n’est pas une solution satisfaisante et durable. Outre que les stratégies d’évitement exigent une énergie considérable, elles restreignent notre liberté, induisent des comportements dysfonctionnels et ne permettent pas toujours d’éviter l’activation soudaine et brutale des enfants intérieurs.
La meilleure option reste de renouer avec son enfant intérieur et de prendre soin de sa guérison. Ce processus peut être arbitrairement subdivisé en dix étapes, même si certaines peuvent être simultanées ou se chevaucher.
S’il est en théorie possible de le faire seul(e), l’accompagnement par un(e) thérapeute s’avérera souvent judicieux, dans la mesure où il n’est par définition pas facile de travailler sur ce qui n’est que partiellement conscient. La description ci-après de ce processus reste d’ailleurs sommaire et ne peut servir de mode d’emploi exhaustif.
Première étape : ressentir ses émotions
La première chose est d’être en contact avec ses émotions et les signaux qu’envoie notre corps (estomac noué, bouffées de chaleur…). Cela demande d’être prêt à ressentir sa souffrance et son inconfort.
Si le souvenir traumatique a été fortement enfoui dans l’inconscient, il se peut que nous n’ayons accès qu’à une partie de celui-ci et que l’émotion ne puisse pas émerger complètement. Une thérapie uniquement verbale risque alors de n’atteindre que les couches superficielles du trauma.
Une approche thérapeutique plus corporelle s’avérera souvent nécessaire afin d’accéder à la mémoire traumatique imprimée dans les cellules du corps. Il devient à ce moment possible de reprendre contact avec l’ancienne émotion occultée et de lui donner une nouvelle occasion de s’exprimer et de se libérer.
La pleine expression de cette émotion du passé a une double vertu : libérer la charge émotionnelle contenue et toutes les tensions qui l’accompagnent, ainsi que de redonner à nouveau l’accès à certains souvenirs enfouis.
Deuxième étape : se désidentifier de l’émotion
Tant que nous sommes totalement identifiés à l’émotion douloureuse, il est difficile d’avoir le moindre recul et de prendre conscience des mécanismes qui sont à l’œuvre.
Réaliser que nous ne sommes pas cette émotion, qu’elle ne fait que nous traverser, permet plus facilement de distinguer la présence de plusieurs sous-personnalités en nous et de défusionner le moi adulte de l’enfant intérieur.
Troisième étape : se responsabiliser
Il n’est possible de poursuivre le processus à son terme qu’à condition de prendre la pleine responsabilité de son vécu. Cela suppose de lâcher l’idée que la personne qui a réactivé notre émotion douloureuse est responsable et d’admettre qu’elle n’a été qu’un simple déclencheur extérieur.
C’est bien la part traumatique enfouie en nous et brutalement réveillée qui est seule à l’origine de notre souffrance et nous seuls pouvons y remédier. Reporter la responsabilité de notre ressenti à l’extérieur de nous équivaudrait donc à refouler profondément notre enfant intérieur dans nos parts d’ombre.
Ne plus rejeter à l’extérieur ce qui nous est inconfortable mais le reconnaître comme faisant partie de nous est la seule façon d’apprendre de nos expériences et de permettre à nos parts en souffrance d’évoluer.
Quatrième étape : se connecter à notre espace de compassion
Qui, en nous, va accueillir notre enfant intérieur ? Le moi adulte, bien sûr. Mais comme nous l’avons vu, nous sommes composés de multiples sous-personnalités. Laquelle est à même d’accueillir notre enfant intérieur avec toute la compassion voulue ?
Si le « moi rationnel » est en mesure de comprendre la situation et ses enjeux, sa capacité d’accompagnement reste limitée à la sphère de la raison et du contrôle, à la recherche d’un objectif à atteindre.
Or, il existe dans notre mental un espace de compassion, capable de se retourner sur toutes nos autres parts et de les accueillir avec empathie et non-jugement.
Il est important de restaurer et de faire grandir en nous cet espace mental intérieur qui seul a les ressources d’accueil, de compassion et de régulation pour permettre d’organiser un dialogue entre toutes nos parts intérieures, en vue de leur pacification et de leur guérison.
C’est à partir de cet espace que se poursuivront les étapes suivantes du processus.
Cinquième étape : se concilier les gardiens
Les gardiens intérieurs ont pour mission de protéger l’enfant intérieur. Il est donc nécessaire de commencer par entrer en contact avec eux afin de les rassurer sur nos bonnes intentions, de gagner leur confiance, sans les manipuler, afin qu’ils soient convaincus des vertus d’une saine collaboration et nous donnent accès à l’enfant intérieur.
Sixième étape : accueillir son enfant intérieur
Une écoute détendue de ce qui nous habite permet d’identifier notre enfant intérieur, de déterminer quelle est la part en nous qui est blessée et quelle est la nature de la blessure.
Une fois identifié, notre enfant intérieur peut enfin être accueilli. Il s’agit d’être dans une écoute empathique et bienveillante de tout ce que cette part émotionnelle souhaitera nous exprimer. Tant que l’adulte en nous sera dans le jugement ou la non-acceptation de ce ressenti, en aura honte ou le rejettera, il n’y aura pas d’ouverture possible.
C’est pour cela que cet accueil doit se faire à partir de notre espace de compassion. Pour que notre enfant intérieur puisse sortir de l’ombre et faire confiance au moi adulte, il faut lui procurer ce qui lui a manqué : de la compassion, de la tendresse, de l’écoute. Bref, une présence aimante et inconditionnelle.
Septième étape : communiquer avec son enfant intérieur
Maintenant que notre part enfantine est rassurée quant au fait qu’elle a le droit d’exister et d’être reconnue, il va être possible d’entrer en communication avec elle, comme le ferait un parent avec son enfant.
A partir de notre espace de compassion, le moi adulte va alors dialoguer avec son enfant intérieur, écouter avec empathie et sans jugement ses besoins et ses demandes, afin qu’il se sente entendu et compris.
En parallèle de cette énergie Yin d’accueil, le moi adulte a également ici le rôle plus Yang d’éduquer l’enfant intérieur en l’invitant à revoir et à assouplir ses croyances souvent rigides, absolutistes et sans nuance. De même, il est indispensable de cadrer l’enfant en ne lui permettant pas de se substituer au moi adulte quand bon lui chante. Comme pour tout enfant, il faut le sortir de la logique de l’immédiateté et lui apprendre à attendre le moment opportun. Cela suppose bien sûr de garantir à l’enfant qu’il bénéficiera de moments privilégiés lors desquels il aura pleinement la possibilité de s’exprimer.
C’est aussi l’occasion de convaincre les gardiens de ce que le moi adulte est aujourd’hui en mesure de protéger l’enfant intérieur tout en générant moins d’effets secondaires négatifs que les stratégies d’évitement utilisées jusqu’ici.
Huitième étape : faire appel aux ressources du Moi supérieur
Lors de l’étape précédente, l’enfant intérieur a peut-être fait part à l’adulte de son besoin d’amour ou de sécurité. Or, si l’enfant intérieur a jusqu’ici tenté de trouver la sécurité affective à l’extérieur, à travers des relations de dépendance, c’est vraisemblablement parce qu’il n’avait pas confiance dans les capacités du moi adulte à lui apporter cette sécurité.
Que faire alors si le moi adulte ne ressent pas en lui suffisamment d’amour ou de sécurité pour rencontrer les besoins de l’enfant ?
Plutôt qu’à nouveau chercher à l’extérieur, la solution consiste à se relier à son Moi supérieur, ce pont entre l’individualité et la dimension transpersonnelle, ce qui nous relie à plus vaste que nous.
Grâce au Moi supérieur, il nous est possible de connecter cette lumière d’amour en nous. En réalité, de prendre conscience que cet amour, cette sécurité, ont toujours été là en abondance et à disposition mais que nous nous en étions coupés.
Neuvième étape : rencontrer les besoins de l’enfant intérieur
Maintenant que le moi adulte a réintégré ses ressources, il est en mesure d’apporter concrètement à l’enfant intérieur ce dont il a besoin et, à l’extérieur, d’adapter son comportement de façon à être plus en adéquation avec les besoins de l’enfant.
A partir de ses instances mentales de compassion et d’empathie, le moi adulte peut alors mettre en place de nouvelles stratégies actualisées, destinées à rencontrer les besoins actuels de sa part enfantine en générant moins d’effets pervers que les anciennes stratégies d’évitement.
Sachant qu’il peut puiser dans les ressources du moi adulte quand il en ressent le besoin, l’enfant peut alors s’apaiser et se sentir en sécurité. Voyant que l’enfant est protégé et pris en charge, les gardiens intérieurs ne ressentiront plus la nécessité d’intervenir et accepteront de se désactiver.
Dixième étape : réintégrer l’enfant intérieur
Jusqu’ici, l’enfant intérieur était une part refoulée, une part non assumée et qui était reléguée le plus loin possible dans l’inconscient.
Maintenant que cette part est réhabilitée, il est possible de la réintégrer dans notre moi conscient, afin qu’elle ne se sente plus isolée et n’éprouve plus le besoin de se rappeler constamment à nous.
Ainsi que le préconisait Carl Gustav Jung, cette réhabilitation permet aussi au moi adulte d’intégrer en lui les ressources de l’enfant intérieur ; ressources dont il s’était coupé en refoulant l’enfant.
Jung appelait l’individuation ce processus destiné à rencontrer et réhabiliter toutes les parts de nous-mêmes que nous avons refoulées ou dont nous nous sommes coupés, de façon à être de plus en plus complets, à nous réaliser pleinement sur tous les plans de notre être.
Accueillir l’enfant intérieur de l’autre
Accueillir l’autre
Une fois que nous sommes plus familiers avec le concept d’enfants intérieurs, nous sommes aussi plus facilement en mesure de reconnaître lorsque la personne en face de nous réagit sous l’emprise d’un de ses enfants intérieurs à elle.
Ayant conscience qu’un enfant s’est substitué à l’adulte en face de nous, il nous sera plus facile de ne pas prendre personnellement des propos excessifs ou blessant tenus à notre égard, ou de se sentir rejeté.
Comme le ferait un adulte bienveillant envers un enfant, il s’agit de conserver une posture d’ouverture et d’accueil, tout en posant des limites et en n’acceptant pas ce qui n’est pas acceptable. Avec douceur, mais fermeté.
S’il est bon de faire preuve de délicatesse en évitant d’activer inutilement l’enfant intérieur de l’autre, il ne s’agit pas non plus de se sur-adapter et de « marcher sur des œufs » en permanence. Il ne serait pas juste de se restreindre constamment pour préserver le confort émotionnel de l’autre. C’est avant tout à l’autre de prendre la responsabilité de sa blessure et de prendre soin lui-même de son enfant intérieur.
Quand deux enfants s’activent mutuellement
Deux enfants intérieurs en présence
Il arrive parfois que la réaction brutale d’un enfant intérieur vienne activer l’enfant intérieur de son vis-à-vis. Par exemple, si un propos maladroit de votre partenaire active votre blessure de trahison et vous pousse à lui répondre de façon blessante, il se peut que votre réaction réveille en lui/elle sa propre blessure de rejet.
Nous nous retrouvons soudainement avec deux enfants intérieurs face à face, exigeant chacun d’être reconnu dans son ressenti. Mais trop chargé émotionnellement pour être dans l’ouverture, chacun restera probablement sourd à la demande de l’autre.
Les deux adultes, submergés par leurs enfants intérieurs respectifs, n’auront pas les ressources nécessaires pour être dans l’accueil des besoins de l’autre. Dans cette situation, toute écoute bienveillante et empathique s’avère illusoire, chacun des partenaires rejetant sur l’autre la responsabilité de la situation.
Ne pas se focaliser sur l’autre
Le premier réflexe, à éviter, serait de rester focalisé sur notre partenaire.
Même s’il est possible que le comportement de notre partenaire ait été indélicat ou inadéquat à notre égard, il est important de ne pas se crisper sur une volonté de recevoir des excuses ou un besoin d’être reconnu comme victime. De toute façon, il est probable qu’empêtré(e) dans son propre processus, notre partenaire n’aura à ce moment-là pas les ressources nécessaires pour le faire.
Il est bon également d’intégrer que notre partenaire a lui aussi ses blessures et ses limitations humaines et, de ce fait, nous ne pouvons lui demander d’être en permanence dans l’accueil inconditionnel de qui nous sommes. En quelque sorte, il s’agit d’accueillir le fait que notre partenaire ne peut pas toujours nous accueillir, surtout dans nos blessures, et qu’il nous appartient de nous prendre en charge nous-même.
De même, tant que nous restons focalisés sur le cheminement ou le travail que notre partenaire aurait à faire sur elle/lui (du moins selon nous), il est compliqué de revenir à soi et de reprendre l’entière responsabilité de ce qui nous traverse. Il nous faut donc aussi ne pas nous soucier du fait que notre partenaire ne fera peut-être pas « sa part » et nous concentrer sur la nôtre.
Revenir à soi
Focaliser son attention sur soi-même est la seule façon de prendre conscience de la présence active de notre propre enfant intérieur, de réaliser que la confusion présente entre nos différentes parts a permis à notre enfant intérieur de s’immiscer dans une relation adulte sans être identifié comme tel.
Le mieux à faire dans un premier temps est donc de prendre soin en priorité de notre propre enfant intérieur afin de lui redonner de la sécurité et de désactiver nos gardiens.
S’il est très probable que l’apaisement de notre enfant intérieur contribuera à apaiser celui de notre partenaire, ce n’est pas le but premier en soi, juste une conséquence secondaire bienvenue.
Une fois que tous les enfants intérieurs auront retrouvé de la sécurité et que les gardiens auront baissé les armes, le temps sera alors sans doute venu d’avoir une discussion sereine et constructive entre adultes et de revenir calmement sur les évènements.
Conclusion
Plus nos parts sombres et souffrantes seront aimées avec douceur et tendresse, plus elles reviendront dans la conscience et dans la lumière, nous permettant de devenir de plus en plus complets.
Ouvrir son cœur, accueillir sans jugement et avec bienveillance nos parts intérieures, comme un parent le ferait avec son enfant en souffrance, c’est une démarche avant tout spirituelle, bien au-delà des aspects purement thérapeutiques.
Devenons ainsi notre propre parent intérieur.
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